Le Traumatisme Psychique chez l’adulte : Inspiré par les enseignements d’Evelyne Josse, psychologue clinicienne spécialisée dans les traumas

Le traumatisme psychique chez l’adulte est un sujet complexe et multidimensionnel, souvent marqué par des expériences profondément perturbantes qui laissent des cicatrices émotionnelles et psychologiques durables. Evelyne Josse, psychologue clinicienne spécialisée dans les traumas, offre un éclairage approfondi sur ce phénomène, en détaillant les différentes catégories de victimes et les types d’événements potentiellement traumatisants. Cet article explore les notions de victime et de traumatisme, en distinguant les impacts directs et indirects des expériences traumatisantes, ainsi que les paramètres influençant le développement et la gravité des symptômes post-traumatiques. À travers l’analyse des enseignements d’Evelyne Josse, il met en lumière les mécanismes sous-jacents aux réactions traumatiques et les approches thérapeutiques, notamment l’hypnose, qui peuvent aider les individus à surmonter ces épreuves.

I – La notion de victime

Doit être considérée comme victime toute personne ayant subi une atteinte à son intégrité physique ou psychique ainsi que toute personne physique ou morale ayant subi un outrage à l’honneur ou à ses droits fondamentaux, une perte de biens matériels ou tout autre préjudice sur le plan scolaire, professionnel, privé, moral, etc. Ces dommages peuvent avoir été causés par un ou plusieurs actes commis délibérément ou involontairement par une personne ou par une collectivité, actes dont la personne physique ou morale peut ne pas avoir conscience ; ils peuvent également résulter d’une catastrophe naturelle ou d’un accident sans tiers en cause.

5 types de victimes :

  • Les victimes directes ou primaires ont été exposées à un événement de nature traumatique. Elles ont expérimenté, ont provoqué, ou ont été témoin d’un incident inopiné et violent qui a blessé ou a menacé de blesser physiquement et/ou psychologiquement leur personne et/ou autrui et qui les as confrontés avec la mort comme réelle ou possible. On distingue les blessés physiques et les impliqués directs (rescapés indemnes, témoins, badauds et sauveteurs), ainsi que les intimes de la victime primaire.
  • Les victimes indirectes n’ont pas vécu ni été témoins de l’événement, mais sont concernées par lui et/ou par ses conséquences du fait de sa proximité émotionnelle avec les victimes directes. Pour une victime directe, il existe de nombreuses victimes indirectes.
  • Les victimes secondaires se comptent parmi les proches (famille, amis), les aidants non-professionnels ou aidants de première ligne et les professionnels de première ligne ou primo intervenants (services de secours, personnel médical, intervenants psychosociaux, etc.) en contact direct avec les victimes en situation de crise. On les appelle également les impliqués directs.
  • Les victimes tertiaires sont l’entourage (famille élargie, voisins collègues, etc.) et les professionnels de deuxième ligne (enquêteurs, avocats, professionnels de la santé mentale, etc.) en relation avec les victimes directes et leurs proches en détresse.
  • Les victimes quaternaires sont les membres d’un groupe, d’une nation voire la population mondiale, affectés ou perturbés par un évènement majeur touchant un individu ou un ensemble d’individus appartenant à la même communauté (ethnique, religieuse, professionnelle, d’âge, d’orientation sexuelle, de genre, de catégorie sociale, etc.)

II – L’événement potentiellement traumatisant

Un événement potentiellement traumatisant est une expérience dont l’impact sur la personne qui a subi, le provoque ou en est le témoin peut être profond et induire un traumatisme psychique. La situation traumatogène peut se constituer massivement et brusquement, résulter d’une charge progressivement accumulée de facteurs stressants ou être le rappel d’une situation antérieure aux potentialités traumatogènes. L’événement peut être d’origine naturelle ou humaine, intentionnelle ou accidentels, individuels ou collectifs. Ici, nous nous intéressons au traumatisme psychique.

Le traumatisme psychique

Le traumatisme est un choc psychologique important, généralement lié à une situation où une personne a été confrontée à la mort ou à la menace de mort, à des blessures graves ou au péril de tels dommages, à des violences sexuelles ou au risque de telles agressions.

Les événements traumatogènes

L’événement traumatique constitue donc une menace pour la vie (mort réelle ou possible) ou pour l’intégrité physique (lésions corporelles, violation de l’intimité) et/ou mentale (perte de biens personnels, outrage à l’honneur ou aux droits fondamentaux, etc.) d’une personne ou d’un groupe de personnes ;

Cet événement produit une peur intense et/ou un sentiment d’impuissance et/ou d’horreur et/ou de culpabilité et/ou de honte, et remet en cause les valeurs essentielles de l’existence que sont la sécurité, le respect de la vie, la paix, la morale, la solidarité, etc. Notons cependant que parfois, les victimes n’ont rien ressenti de tel.

Il n’en reste pas moins que certaines souffriront à long terme, de façon plus ou moins intense, de symptômes traumatiques invalidant leur quotidien et leur développement personnel. Ainsi, certaines personnes réagissent avec sang-froid et adéquation durant la crise, sans éprouver ni effroi, ni impuissance, ni honte. Elles sont dissociées de leurs émotions au moment de l’événement, mais risquent cependant de manifester ultérieurement un syndrome psycho-traumatique.

Quoique certains événements dépassent la capacité de gestion de la majorité des individus, ils peuvent néanmoins s’avérer traumatisants pour une personne et pas pour une autre, ou l’être pour un individu aujourd’hui et ne pas l’être demain. Pour cette raison, ma dénomination événement « potentiellement » traumatisant devrait être préférée à évènement traumatique, tant que l’impact traumatique n’a pas été constaté sur le ou les individus concernés.

3 types d’événements traumatogènes

Un événement majeur massif

La situation traumatogène se constitue massivement et brusquement. Elle est hors du commun, exceptionnelle, grave et elle happe les individus dans un tourbillon de violence : actes intentionnels, tels qu’agressions, vols, kidnapping, les événements accidentels, tels qu’accident de la route, de train, incendies, les catastrophes naturelles, telles qu’inondations, éruptions volcaniques, avalanches etc.

L’accumulation d’événements d’importance diverses

Parfois, l’origine de la souffrance traumatique est un épisode mineur. Cet incident fait passer la personne au-delà de son seuil de tolérance car il s’additionne à une charge progressivement accumulée de facteurs stressants, parfois mineurs, prévisibles et répétitifs, ou à une série d’événements difficiles au niveau professionnel et/ou privé. Sigmund Freud et Joseph Breuer affirmaient déjà en 1893 qu’une série d’événements dont chacun à lui seul n’agirait pas comme traumatisme, peuvent additionner leurs effets (Freud, Breuer, 1895)

Le rappel d’un événement ancien aux potentialités traumatogènes

Un stress important ou une situation rappelant directement ou symboliquement un incident ancien est susceptible d’activer la charge traumatique d’un événement, qui malgré des potentialités traumatogènes, n’avait pas produit de symptomatologie évidente au moment de son occurrence. Généralement, cet événement déclencheur n’active qu’un syndrome psycho-traumatique présentant peu de symptômes, permettant aux victimes de vivre normalement.

Les traumatismes individuels et collectifs

Les traumatismes individuels

Ils recouvrent différentes réalités :

  • Accidents (chutes, intoxications, explosions, brulures, accidents de loisirs et de sport etc.)
  • Les actes intentionnels (vols, agressions physiques et sexuelles, incendies de forêt criminels, etc.)
  • Les agressions psychologiques (menace de coups, de renvoi, chantage, harcèlement, etc.)
  • Les agressions tant physiques et psychologiques (torture, abus sexuel, embrigadement religieux et sectaires, etc.)

Les traumatismes collectifs

  • Les accidents (technologiques, industriels et nucléaires, les carambolages, accidents ferroviaires et aériens, etc.)
  • Les agressions physiques (faits de guerre, prise d’otages, émeutes, etc.)
  • Les agressions psychologiques (dévalorisation, humiliations, atteinte à l’intégrité physique ou psychologique des proches, etc.)
  • Les agressions tant physiques que psychologiques (torture, génocides, etc.)

III – Les types de traumatisme

Les traumatismes simples et complexes

Les traumatismes simples ou de type I

Les traumatismes simples exposent les personnes à un événement unique, circonscrit dans le temps, imprévisible et d’apparition brutale

Les traumatismes complexes ou de type II

Soumettent les individus à une violence durable, répétée, exempte de surprise, voire prévisible. La violence intra-familiale (violence conjugale, inceste, négligence, maltraitance et agressions physiques envers les enfants, les personnes âgées, etc.), les abus sexuels et/ou physiques extra-familiaux, les violences exercées dans des camps de détention (torture, obligation à se soumettre à des actes dégradants et immoraux, condition de déshumanisation extrême, etc.), les faits de guerre (bombardements, mines, tirs, siège d’une ville, recrutement forcé, etc.), la traite des êtres humains (exploitation sexuelle contrainte, travail forcé), la persuasion coercitive (endoctrinement dans les sectes, redressement idéologique en captivité, etc.) et le harcèlement (moral ou sexuel, racket) remplissent ces critères.

Les traumatismes directs et indirects

On peut se représenter le traumatisme comme un tremblement de terre dont l’incident critique constitue l’épicentre. Les ondes de choc se propagent en cercles concentriques à partir de l’événement traumatisant, tout en diminuant d’intensité à mesure qu’elles s’en éloignent. La victime directe se situe dans le foyer du séisme, et les ondes de choc bouleversent progressivement son entourage ainsi que les intervenants qu’elle rencontre durant et après la crise.

Les traumatismes directs

On parle de traumatisme direct lorsque la victime souffre d’un traumatisme après avoir été confronté au sentiment de mort imminente, à l’horreur ou au chaos. Elle peut avoir été sujet, acteur ou témoin de l’agression ou de la menace soudaine ayant mis en danger sa vie, son intégrité physique ou mentale ou celles d’autrui.  Son expérience de l’événement délétère est sensorielle (elle a vu, entendu, senti, etc.) et émotionnelle (elle a ressenti de la frayeur, de la peur, de l’angoisse, de la terreur, de l’effroi, de l’épouvante, de l’horreur, du désarroi, de l’impuissance, de la honte, etc.). Notons cependant que cette dimension émotionnelle peut être absente. En effet, dans certains cas, le sujet n’a rien ressenti de tel, car il était dissocié de ses émotions, ou par ce que le moment de l’effroi peut passer inaperçu ou être rapidement oublié de celui qui mobilise ses ressources pour faire face à la menace. Parfois même, il ressent un bref soulagement, ou une discrète euphorie de quelques heures ou quelques jours, parce qu’il est sorti indemne de cet enfer. Il n’en reste pas moins que ces violences peuvent ultérieurement se révéler gravement traumatiques, la victime voyant plus tard, avec surprise, apparaître des symptômes.

Les traumatismes indirects

Il est aujourd’hui admis par ne de nombreux psychiatres et psychologues qu’un sujet, enfant comme adulte, qui n’a pas subi de traumatisme direct peut présenter des troubles psycho-traumatiques consécutifs aux contacts qu’il entretient avec une personne ou un groupe de personnes psycho traumatisées.

Le traumatisme indirect se définit comme une souffrance spécifique éprouvée, dans le cadre privé ou professionnel, par les personnes en relation étroite avec un sujet ou un groupe de sujets en détresse (en fin de vie, malades, blessés, psychiquement traumatisés, victimes de violence, laissés pour compte, etc.). Les familles, les amis, les voisins et les collègues d’une victimes, les bénévoles, les aidants de première ligne et les professionnels engagés dans les services de secours, les soins et l’aide (médicale, sociale, psychologique, judicaire, juridique, etc.) amenés à la côtoyer ainsi que les personnes chargées de recueillir son témoignage du drame (policiers, psychologues et psychiatres, avocats, journalistes, etc.) sont confrontés à des situations qui leur font éprouver des émotions intenses.

La transmission intergénérationnelle des traumatismes

Les traumatismes extrêmes peuvent se transmettre d’une génération à l’autre. Intégrer des traumatismes tels que des génocides, la torture, etc. nécessite au moins 2 générations.

Il a été constaté que les enfants privés d’informations sur les épreuves que leur famille a traversées présentent plus de symptômes que les autres.

IV – Les paramètres influençant le développement du trauma

L’exposition à un événement grave n’est pas suffisante à elle seule pour provoquer une souffrance traumatique. L’apparition, la fréquence et l’intensité des symptômes sont influencées par plusieurs paramètres : les caractéristiques de l’événement, les facteurs propres à la victime, et les conditions du milieu de récupération. Plus les facteurs de risque sont nombreux, plus il est probable qu’un trouble post-traumatique se développe, avec une gravité et une chronicité potentiellement accrue.

Les variables liées à l’événement

La sévérité d’un événement traumatisant dépend de plusieurs aspects :

  • Le degré d’exposition à la mort : cela peut concerner la personne elle-même ou d’autres.
  • La nature de l’événement : inclut des aspects comme les violences sexuelles, la torture, les actes de barbarie et les transgressions de tabous.
  • Les conséquences : physiques, psychologiques et sociales.
  • La durée : plus l’événement dure, plus il est susceptible de causer des dommages.
  • Le risque de récurrence : la possibilité que l’événement se reproduise.
  • La fréquence : La fréquence des événements traumatisants.
  • Le caractère imprévisible et incontrôlable : Llincapacité à prévoir ou à contrôler l’événement augmente le traumatisme.
  • La multiplicité des facteurs potentiellement traumatogènes : Plusieurs éléments stressants combinés augmentent le risque.

L’intentionnalité de l’acte (volonté de nuire) et le manque d’assistance peuvent aggraver les effets pathogènes de l’événement.

Les variables liées à l’individu

La réaction d’une victime à un événement traumatisant est influencée par :

  • Le genre : Les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes de souffrir de troubles de stress post-traumatique et leurs symptômes tendent à être plus sévères et durables.
  • La personnalité : les traits de caractère et la résilience personnelle.
  • Les antécédents : les expériences passées et les traumatismes antérieurs.
  • La préparation psychologique : le niveau de préparation mentale à l’événement.
  • La responsabilité perçue : le degré de responsabilité ressenti par la victime dans le déclenchement ou le déroulement de l’événement.
  • Les croyances et convictions : les croyances fondamentales sur soi-même, les autres, le monde, ainsi que les convictions religieuses.
  • L’état mental au moment de l’événement : la présence de conflits de conscience ou de culpabilité.
  • Les stratégies de coping : les mécanismes mis en place pour faire face à la situation pendant et après les faits.
  • Les bénéfices secondaires : les gains perçus par la victime à cause de la situation traumatisante.

Les variables liées au milieu de récupération

La capacité d’une victime à retrouver son équilibre psychique dépend de plusieurs aspects :

  • La qualité des relations familiales : le soutien et la stabilité offerts par la famille.
  • Le  soutien de l’entourage : la capacité de l’entourage proche à fournir du soutien.
  • L’organisation professionnelle et réseau social : l’influence du milieu professionnel et social.
  • La disponibilité de soins spécialisés en santé mentale : l’accès à des soins psychologiques spécialisés.

Un soutien déficient ou négatif dans ces domaines constitue un risque majeur pour le développement, la gravité et la persistance des troubles traumatiques.

Conclusion

Dès les années 60, les chercheurs en neuroscience ont mis en évidence qu’un souvenir récemment acquis est fragile et doit être stabilisé pour devenir permanent (on appelle ça la consolidation).

Dans les années 2000, ils ont constaté que les souvenirs anciens redeviennent instables et susceptibles d’être modifiés lorsqu’ils sont réactivés (on appelle ça la reconsolidation).

Ils ont montré que l’hyperactivité neurodégénérative facilite la consolidation des souvenirs et explique, du moins partiellement, la chronicisation du syndrome post traumatique. Ils ont également prouvé qu’il est possible d’atténuer les émotions d’un souvenir ancien au moment de la reconsolidation. C’est là que l’hypnose thérapeutique intervient.

L’hypnose, en tant qu’outil thérapeutique, est en effet très efficace pour accompagner les personnes ayant vécu un ou plusieurs traumatismes.

Elle offre un cadre sûr et efficace pour traiter les traumatismes, en permettant un accès contrôlé aux souvenirs traumatiques, en aidant à restructurer les croyances négatives, en réduisant les symptômes physiques et émotionnels, et en renforçant les stratégies de « coping » et les ressources internes du patient.

Un thérapeute formé en hypnose et spécialisé dans les traumas peut donc jouer un rôle crucial dans le processus de guérison post-traumatique.

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